ELEGY No24 / Octobre 2002
propos recueillis par Alyz Tale
1 - Tu es loin de te cantonner
au domaine musical, ce n’est pas nouveau, l’expérimentation semble couler
dans tes veines ! On peut donc se douter que tu n’as pas passé ces quatre
dernières années en studio… Que faisais-tu pendant que nous trépignions
d’impatience en attendant ce fameux nouvel album ? !
Tellement de choses se sont
passées ! On en a eu marre un jour en se regardant en vidéo d’être si
peu différents visuellement de tout ce qui existe.
Il n’y avait que notre batteur automate qui nous semblait être un instrument
adapté à l’esprit de Rosa Crvx. La BAM ,Batterie Acoustique Midi, est une de
nos création : une sorte de boite à rythme qui pilote des baguettes par
des systèmes d’électroaimant et les font frapper sur des fûts de batterie.
Un peu comme ces instruments mécaniques au centre des vieux Carrousels de foire
et qui marchaient avec des cartes perforées…
Donc ça a été une autocritique très sévère… pourquoi ce ridicule synthé
si c’est un piano qu’il nous faut ? A queue, le piano pendant qu’on y
est… Pourquoi ces ridicules toms à la BAM alors que ce sont des timbales
d’orchestre qu’il faudrait ? Musicalement on n’a jamais supporté de
faire des compos qui ressemblent à ce qui existe, pourquoi en serait-il
autrement du reste… Pourquoi cette caisse claire ? Il faudrait un tambour !
Quatre tambours ! Et ces cloches qui nous passionnent tellement, je verrais
bien un carillon là, moi, tiens!
Alors on a mis "les
pantalons de cuir au placard" et on s’est trouvé des blouses blanches…
Il y a eu dix mille choses a régler, forcément, des problèmes techniques
complexes, un sacré casse tête à résoudre de tous les cotés. Financièrement,
de gros travaux de fabrication, (on imagine mal à quel point les prototypes coûtent…)
Un concert de temps en temps où nous profitions pour tester des nouveaux systèmes…
L’atelier s’est transformé en fonderie de cloches… on a du commencer par
construire un énorme bac à terre en ciment, un tour capable de faire tourner
une cloche de 200kg de glaise… puis les énormes moulages … il y a des
reportages sur notre site web là dessus…
… Et puis parallèlement, l ‘énorme chantier occasionné par le film
" Omnes qui Descendvnt " dont on parle juste après…
2 - Rosa Crvx a toujours montré
l’homme dans toute sa réalité, toute sa laideur même, en quoi penses-tu
aller encore plus loin avec " In Tenebris " ?
In Tenebris va plus loin au
sens premier, dans ce sens ou il y a cette fois un déplacement concret :
L’album précédent, Noctes Insomnes, psalmodiait " Exvrge in
ira tua ! " qui, traduit, donne : " Lève toi dans
ta colère ! " autrement dit "fais le ! "
In Tenebris, c’est cela, une expédition. une descente, " Vadam ad
portas inferi ". chaque titre illustre l’état successif dans lequel
on est plongé par un tel voyage.
Les étapes se succèdent dans les excitations et les angoisses au début de
l’album pour atteindre progressivement l’humilité dans le titre Procvmbere …
Palpebrae meae caligaverunt
Mes paupières s’obscurcissent,
Terra procumbens La terre se prosterne,
Trepidentes coeli Les cieux tremblent,
Inclinantes se inferi L’enfer s’incline…
…passé ce stade il y aura successivement l’Ovation
avec le titre Svrsvm Corda, la Transformation dans Omnes Qvi Descendvnt puis la
Gratitude par l’ex-voto avec le titre Salve Crvx.
3 - " In Tenebris " contient une plage
multimédia, la magnifique vidéo " Omnes Qvi Descendvnt ",
peux-tu nous conter l’histoire de ce tournage un peu particulier… ?
Le film illustre a peu près tout l’album, cette
descente dans un moment hors du temps, hors de la réalité. Une troupe de
marcheurs et de cavaliers qui partent pour une grande célébration…
C’est l’éclipse et les éléments qui se déchaînent., c’est une
rencontre impossible, celle du jour et de la nuit, de la vie avec la mort, de l’homme
avec les éléments… c’est un hymne. Tout est symbolisé par ces paysages,
ces danseurs, ces costumes où les chanteurs ont des porte-voix vissés sur la
tête :
" Le ciel est tourmenté par les couleurs
fantastiques des nuages, l’éclipse est proche de son point culminant.
Une troupe composée de trois cavaliers et de dix-huit marcheurs arrive à l’horizon.
Ils avancent d’un pas lent et régulier et semblent marcher depuis plusieurs
jours déjà.
Ils arrivent de nulle part…
On les découvre progressivement : De leurs tête partent des tuyaux cannelés,
sortes de saxophones difformes qui ressemblent à des jeux d’orgues…
D’autres ont des porte-voix enveloppant la tête entière, d’autres des
vieux tambours de cuivre en bandoulière… Les cavaliers ouvrent la marche. Ce
sont des chanteurs, leurs porte-voix sont plus grands que les autres, leurs
chevaux sont décorés de grands drapés.
Est-ce une fanfare ou une chorale ?
Le paysage est celui d’un autre monde, pas de végétation, pas de traces de
civilisation, de la roche brute, des parois mouvementées, le décor est
lunaire, indéfinissable.
Sommes nous dans le passé ? Dans le futur ? Rien ne permet de le savoir.
La troupe arrive au centre d’un grand canyon et se dispose en cercle autour d’une
scène étrange :
Deux personnages à genou.
Ils semblent avoir toujours été là ces personnages, immobiles comme des
statues, yeux fermés, tête droite, ils ont la couleur de la roche autour, la
poussière qui les a recouvert ?
L’éclipse est maintenant totale.
Six hommes sortent du cercle et soulèvent les personnages. Ils sont levés au
dessus des regards et prennent soudain vie.
Ils exécutent une sorte de danse, dans les mêmes gestes, exactement, comme si
ils étaient un seul en face d’un miroir.
Premier mouvement : Terre / Cou / Epaule,
Deuxième mouvement : Terre / Nuque / Hanche / Terre,
Troisième mouvement : Terre / Hanche / Hanche / Terre,
Quatrième mouvement : Terre / Tête / Tête / Terre.
Une minute est passée, le Soleil sort du disque lunaire et illumine brusquement
le paysage.
Les danseurs s’immobilisent à nouveau. La troupe se reforme pour repartir
vers l’inconnu.
Le ciel est redevenu normal.
Ca, c’était le synopsis… la réalité des choses est
plus impossible encore ! ! ! Un groupe indépendant en France qui
veut réaliser son film c’est en soi une descente aux enfers ! Le
tournage de ce film a été une véritable expédition aussi…
Là ou quelqu’un va se dire, bon il faut un steadycam et une luma pour ce
tournage, il va falloir trouver un producteur ou une subvention pour louer…
nous, on va être obligés d’avoir le réflexe suivant : bon il faut un
steadycam et une luma pour ce tournage, il faut vite trouver des plans sur
internet et les fabriquer…
Pas le choix ! mais ça change toute la donne : d’un coté on
dépend du bon vouloir d’un décideur et de l’autre on sait qu’on aura ce
qu’il faut, mais le problème c’est …quand ?
Alors forcément il y a du temps qui passe. On a pris le temps de se fabriquer
un steadycam, un rail de travelling, une luma, de récupérer de l’éclairage
industriel, de coudre un à un les 22 costumes, même les tambour du film sont
fabriqués de toute pièce ! (ils sont maintenant sur notre batterie de
scène…) bref ! ça a mis un an et demi au lieu d’un mois avec des
moyens de production classiques...
Ceci dit, la différence, c’est sur le prochain tournage qu’elle se
sentira : les problèmes matériels sont maintenant résolus, pour ce film
comme pour les suivants… C’est en cela qu’être
" indépendant " a ses avantages… il arrive un moment ou
on peut se permettre de dire à certains : plus besoin de vous !
4 - Pourquoi le thème de l’éclipse ? Quelle
signification lui donnes-tu dans ce cadre-là ?
Les premières images de " Omnes Qvi
Descendvnt " remontent à 1999 lors de l’éclipse du 11 Août. Ca
faisait des mois que cette date me rendait dingue. L’éclipse pour moi c’était
un vieux rêve de gosse. Je voyais la date s’approcher et je ne trouvais pas
quoi en faire. Un film ? une performance ? un concert ?
quoi ?… les idées ne venaient pas. Alors je l’ai filmée
méthodiquement en me disant que je trouverais bien après. Je vous ai ressorti
ce texte que j’ai écrit à ce moment là, il traduit bien l’état dans
lequel cette date me mettait :
" On la prévoit à la seconde prés, on
connaît le meilleur endroit pour l’observer, on la médiatise…
Il n’y a pas si longtemps, on y voyait la colère des Dieux, la fin du monde,
l’Apocalypse…
Retrouvons une dernière fois l'éclipse d "Avant", celle qui nous
faisait hurler comme des chiens sauvages, celle où les ténèbres envahissaient
la lumière…
… Il n'y a pas que la lune qui passe devant le soleil... ça, on ne le voit
pas! Il y a surtout la nuit au milieu du jour, il y a aussi ce violent courant
d'air glacial mystérieusement synchronisé, les étoiles qui apparaissent, les
chiens qui aboient, les cœurs qui s'accélèrent, les yeux qui pleurent, la
foule qui hurle... ...de joie? c'est ce qu'elle pense, non! de peur en
réalité. Il y a aussi la prise brutale de conscience: l'impossible vient
d'arriver, nous sommes à la merci d’un simple dérèglement...
De tous temps, l'éclipse a représenté un évènement cataclysmique. Nous
pouvons aujourd'hui nous vanter d'explications scientifiques, de prévisions
parfaites, de simulations informatiques, : le sentiment d'angoisse demeure...
Tous ceux qui ont un jour vécu une éclipse totale vous le diront: pendant un
bref instant, c'est la fin du monde!
Cette peur est animale, instinctive, ancestrale, culturelle même! n'ayons pas
peur des mots, nous sommes prévenus depuis notre tendre enfance: l'éclipse est
la plus formidable mise en scène de la nature. "
5 - De qui vous êtes-vous entourés, Claude Feeny &
toi-même pour travailler sur ce film, et plus généralement, sur l’album ?
Le plus dur, une fois le matériel et les essais au
point, était de trouver les lieux et les figurants.
Je connaissais des grottes ou le tournage aurait été plus simple, mais les
autorisations à obtenir étaient inimaginables ! ! ! La
fédération de spéléologie de qui dépendait l’accord imposait en sine qua
non le port du casque de chantier sur la tête!! ! caméraman ou acteur,
ils ne voyaient que le règlement ! ! ! bref ! impossible de
tourner autre chose qu’une pub pour Manpower… Heureusement, on a fini par
trouver une carrière privée ! une simple décharge de responsabilité
pour le propriétaire et voilà !
Il y a une petite équipe bien soudée a Rouen sur qui on a toujours pu compter…
Philippe Coquin, David & Stéphane Viola, Laurent Horbacio, et aussi une
sacrée bande de casse-cou prêts à tout dans un club de plongée : le
Club Subaquatique de Rouen (CSR)…
Côté figurants, il y avait aussi sur le tournage des gens que nous ne
connaissions pas. Une association gothique de Rouen, Phantasmagoria a eu l’idée
de faire une sorte de jeu-annonce sur le net et nous ont trouvé beaucoup de
monde. La consigne était : surtout ne viens pas seul…
Il y a bien eu aussi quelques agréables surprises venues de l’extérieur,
comme pourra en témoigner les remerciements du générique du film, mais ça ne
représentait malheureusement pas des aides indispensables. L’aide d’un
organisme régional délégué au cinéma ou à la culture aurait été bien
plus efficace. Mais R+C les agace ! ! Trop sombre ! ! !
L’album par contre s’est fait à deux. Avec Claude on avait décidé d’avancer
les compos en même temps que le film pour coller le mieux possible aux images.
Il n’y a pas eu comme pour les autres albums d’intervenants extérieurs.
Avant on utilisait souvent un support extérieur de choristes pour les voix, on
appelait parfois aussi un percussionniste pour lui faire jouer les partitions de
tambours. Mais le matériel d’enregistrement a beaucoup évolué et je
préfère maintenant enregistrer les percus tout seul. Claude travaille sur les
mélodies de fond et tout ce qui est claviers. Je m’occupe volontiers des
chants au dernier instant, quand le titre "sonne" suffisamment bien
tout seul, puis on enregistre, on modifie, on recompose des parties pour les
arrangements… depuis le premier disque de R+C on a toujours composé les
titres exclusivement à deux, et on ne sait travailler que comme ça…
6 - La Danse de la Terre revient dans le film, forcément,
quelle a été l’évolution de cette danse depuis sa genèse exactement ?
Son concept est-il resté le même ?
La danse revient toujours dans nos concerts. On adore
la faire et même les gens qui l’ont vue plusieurs fois ne s’en lassent pas.
Les danseurs, Eleonore Joyet et Nicolas Lelandais, la travaille avec beaucoup de
patience car elle n’est constituée que de difficultés techniques ! sur
scène le public l’oublie et tant mieux ! mais pour être synchro dans
les moindres gestes il faut des heures de travail, un contrôle vidéo image par
image pendant les répétitions pour corriger par exemple un coude plus haut
chez l’un que chez l’autre…
Cette danse n’avait pas fait l’objet d’un clip et s’agissant d’une des
particularités de Rosa Crvx, on s’est fait un devoir d’y remédier.
Et il y avait une analogie trop parfaite avec l’éclipse ! La danse (un
couple) représente la confrontation de la vie consciente (donc l’homme) avec
la mort.. le propos est le vieil adage : " poussière tu es
et redeviendras… "
Dans le film les paroles disent " Non mortvi, sed data somni "
" Non, pas morts, mais endormis " et les danseurs immobiles,
recouverts d’argile se mettent en mouvement synchronisé au moment de l’éclipse
totale, dans un cercle de feu représentant à la fois la couronne solaire de l’éclipse
et le cercle magique du rituel kabbalistique.
Cette danse n’a pas bougé depuis sa création si ce n’est qu’à l’origine
j’avais demandé à un modèle de s’enduire de boue sans lui donner la
moindre indication. Je filmais en vidéo et je guettais les moments de naturel.
Mon idée était de réveiller un vieil instinct ou quelque chose comme ça. J’enviais
trop les éléphants qui se roulent dans les flaques et les peaux rouges qui s’en
recouvraient la peau. Il me semblait que c’était un geste définitivement
perdu. Même les chiens adorent se rouler dans une bonne vielle mare bien sale…
Mes obsessions restent aujourd’hui les mêmes qu’à l’époque de la
création de la Danse de la Terre : connaît-t-on le Cri de l’Homme comme
on connaît celui du loup ? Non ? Et comment peut-on aller sur la lune
si on ne sait même pas ça ?? Je recherche souvent ce cri dans mes chants.
7 - Tu es toujours à la recherche de lieux insolites dans
lesquels tu puisses réaliser tes performances, tu as dû parcourir tous les
endroits les plus bizarres de France & de Navarre !
Quelle est ta dernière " trouvaille " en la matière ?
& le lieu qui te fait rêver mais auquel tu n’as pas (encore !)
accès ?
On s’en doute, les lieux insolites sont des perles
rares jalousement gardés par ceux qui les connaissent. Je crois pouvoir dire
que j’ai fait le tour de ceux de ma région… mais je ne connais
malheureusement pas tant d’endroits que ça ! c’est toujours par bouche
à oreille qu’on tombe la dessus , et il faut vivre sur place pour finir
par savoir.
Après, il faut encore que l’endroit puisse être utilisé pour une
performance ce qui est rarement le cas !
Si un endroit me fait rêver depuis longtemps, ce sont les Carrières de Meudon.
J’ai été emmené la bas une nuit par des entrées cachées le long de rails
de trains… je sais qu’il y a des entrées moins dangereuses mais il fallait
faire discret. Le rêve c’est un concert de R+C là dedans. Sûrement le plus
bel endroit dont on puisse rêver… Je me souviens de voûtes taillées dans la
craie aussi hautes que celles d’une cathédrale… Il y aurait paraît-il une
association à Meudon qui protège ces carrières ? (avis de recherche)
Un autre lieu qui n’a rien d’insolite mais qui m’est tout aussi
inaccessible ce sont les Halles de la Villette. C’est je crois l’endroit
idéal pour présenter les " Jeux de Fers " à Paris. (voir
le site web pour " Jeux de Fers ")
J’aimerais bien aussi un jour visiter des catacombes de Paris… (pas les
payantes…)
8 - En 1986, tu projetais un homme vif & nu enfermé dans
une cage contre un gigantesque gong.
Cette performance, " Jeux de Fers ", avait lieu à l’abbatiale
Saint-Ouen de Rouen, un lieu idéal…
Penses-tu qu’aujourd’hui, alors que les pétitions contre les clôtures d’associations
& autres lieux artistiques pullulent, il soit encore possible de jouir de
tels lieux pour de telles performances ?
Les problèmes ne sont pas nouveaux ! la seule
différence c’est qu’aujourd’hui l’info circule plus vite grâce au net.
Alors on sait ce qui se passe dans tous les coins…
En 1986 j’avais risqué gros pour cette performance. J’ai eu l’interdiction
formelle du directeur des beaux arts qui m’a menacé en face d’expulsion si
je mettais mon installation en marche… un homme nu dans une
église ! !
…et dans une cage d’acier suspendue et projetée a 9 mètres du sol… même
sans les problèmes de censure, il y aurait eu les problèmes de sécurité…
C’était plus simple de voler les clef et de revenir une nuit avec un public
informé clandestinement. Il l’a appris dans le journal du surlendemain, le
directeur ! ! et moi j’étais parti la veille pour 6 mois en
Angleterre (un échange scolaire). Ca tombait bien ? non, c’était
calculé. je n’aurais pas pu me permettre d’organiser ça autrement.
C’est toujours la même lutte qui est menée.
Il y aura toujours un responsable de Mairie, de quartier, un journaliste
parfois, pour tuer dans l’œuf les projets qui sont un peu trop originaux. Ce
qui est différent fait très peur ! Le mouvement underground en France s’est
noyé dans sa mare. Quand je pense à ce qu’il a été à une
époque ! ! !
Du jour au lendemain la presse a sorti LE titre réducteur
" Gothique " et n’en déplaise à beaucoup, c’est à ce
moment là que tout a chuté.
Ils ont enfin réussi à mettre une étiquette, réductrice, ridicule, à ce qui
était un véritable affront au système dans sa globalité. Un mouvement
indépendant qui avait son propre réseau d’information, ses propres réseaux
de distribution et de salles de concert. Un mouvement qui grouillait, et que l’on
ne savait même pas comment appeler ! Le summum du contre-courant !
A Rouen, pour vous parler de ce que je vois tous les jours il n’y a plus qu’une
petite poignée de gens qui s’habillent en noir alors que cette ville a été
un véritable point chaud… Paris s’est plus ou moins bien protégé semble t’il…
Et pourtant pas plus loin qu’ici je connais deux organisations qui se tirent
un peu trop dans les pattes alors qu’en se concertant et en unissant leurs
efforts elles auraient le pouvoir d’unir et de ressusciter beaucoup de choses.
c’est la première fois qu’un tel pouvoir de presse existe et il nous
faudrait un grand Festival en France comme celui de Leipzig, et qui d’autre
aurait le pouvoir de le démarrer ? Il nous faudrait une émission télé
régulière sur une grande chaîne, Arte serait utile pour ouvrir les liens avec
les Allemands, via Orkus…
Ne nous trompons pas d’ennemis, c’est contre l’extérieur qu’il faut
agir. Pour revenir à mes expériences concrètes et pour reparler par exemple
de notre film, j’ai fini par comprendre que les moyens de production sont
toujours réservés à la bonne vieille Dobe… c’est volontaire ! il n’y
a que les horreurs diffusées sur M6 qui disposeront de budgets colossaux pour
un vidéo-clip… Alors imaginez ! ! un groupe
indépendant ! ! !, auto produit ! ! ! même les
institutions locales n’ont pas daigné lever le petit doigt. La réalité est
la même partout : si ce n’est pas Dans le Moule on sabote. Je suis
persuadé qu’il existe une "censure de genre". Et que ce Genre là,
un peu trop noir, est le premier sur la liste, noire elle aussi,
justement ! …
9 - Quel regard portes-tu sur l’évolution & la vie de
Rosa Crux à ce jour ?
Changerais-tu quelque chose si tu le pouvais ? & comment vois-tu son
futur ?
Je pense que le groupe se tournera de plus en plus vers
l’Allemagne… Noctes Insomnes s’est plus vendu là-bas qu’en France et In
Tenebris y est déjà distribué.
Un souhait ? Trouver enfin un distributeur sérieux pour la France. Depuis
que le distributeur Sémantic a coulé nous sommes devenus des fantômes dans
les bacs. On trouve du R+C en Allemagne, en Belgique en Suisse, en Italie mais
pas en France ! ! ! ! (à Paris, oui, mais pas en France)
Un autre souhait ? Si je pouvais, je changerais ça : tout le système
de distribution et de vente de disques en France qui a été écrabouillé par
les Fnacs qui se permettent aujourd’hui (après avoir assassiné les petites
disquaires) de dire Oui ou Non aux musiciens qui vivent de leur musique. Les
Fnacs devraient s’inventer une conscience, comprendre le mal qu’elles ont
fait à la musique, le bien qu’elles ont fait à la Grosse Dobe et s’obliger
de créer des rayons permanents ET pour les groupes locaux ET pour les
indépendants ( je parle des Indépendants, pas des " indépendants
qui dépendent d’une maison de disque ", des IN-DE-PEN-DANTS )
10 – Vous avez récemment donné un concert mémorable à
Cognac, vous vous apprêtez à investir la Locomotive sous peu, quelles seront
les prochaines salles françaises, et quelle forme prend Rosa Crvx sur scène en
2002 ?
Il faut dire que le CD In Tenebris était à peine
achevé que se sont enchaînés les préparatifs pour le concert de la Loco. Il
y a des dates qui se négocient à Nantes, Rennes, Rouen, Bordeaux, mais je ne
peux encore rien annoncer officiellement. L’organisateur du concert de Cognac,
Clément Marchal, a eu envie de nous faire tourner un peu et il y
travaille en ce moment.
Il y a aussi une petite équipe qui nous prépare un concert sur Paris dans une
petite salle. La Loco est un endroit parfait pour du Grand Concert, mais on a
envie aussi de jouer dans des salles plus intimes, sur plusieurs soirs, 250
personnes maxi… c’est une ambiance très différente.
11 - On vous a aussi vu en Italie, en Irlande, en Espagne, en
Suisse, en France bien sûr…
Alors, " In Tenebris " sera-t-il accompagné d’une
tournée européenne ?
Une tournée, non. plutôt des dates réparties sur l’année.
Je peux donner la date du Samedi 1er Mars 2003 à Gent, Belgique au
Wave-Gothic-Electro-Meeting, et annoncer une promesse reçue par email pour le
prochain festival de Leipzig.
On nous demande à Florence mais il y a des problèmes de budgets a résoudre
avec les Italiens…
Rosa-Crvx n’a jamais vraiment eu de tourneur. Quand je vous dit qu’on est un
" Groupe Indépendant ", il faut presque traduire qu’on
est un " Groupe Seul ", ce sont des gens qui se disent un
jour " et pourquoi je n’essayerais pas de les faire jouer chez
moi?" C’est le cas de Cognac par exemple… Ca c’est toujours passé
comme ca. De notre coté on ne cherche plus le concert à tout prix, mais on ne
refusera jamais une date. On adore les planches.
Il faut dire qu’on a, à une époque envoyé tellement de dossiers de presse
pour rien, que depuis l’ouverture du site web, on se contente de répondre aux
demandes. De toute façon, aucun concert de Rosa Crvx ne s’est fait à la
suite d’un dossier envoyé ! Ca a toujours été le coup de cœur d’un
organisateur. Et c’est vraiment mieux comme ça ! On joue peu, mais les
salles sont pleines et le public sait ce qu’il vient voir. Ca reste du concert
pour initiés.
12 - Vos projets immédiats ?
Un nouveau film est en repérage. Moins compliqué que
le précédent heureusement ! des scènes de dessins de feu…
Sinon je me demande de plus en plus si la prochaine production ne sera pas un
DVD, avec une partie vidéo-clips et une partie Live. Le groupe a suffisamment d’images
pour le remplir. Et puis…ce format est vraiment bien adapté a notre travail.
Des concerts aussi, on a travaillé tout ce temps pour se montrer sous une
nouvelle robe et on voudrait que ce soit vu.
Questionnaire de Pivot
Ton mot préféré…
Let’s go !
Le mot que tu détestes…
sac en plastique
Ta drogue favorite…
Lipton Yellow
Le son, le bruit que tu aimes…
Une locomotive a vapeur
Le son, le bruit que tu détestes…
le Rap
Ton juron, gros mot ou blasphème favori…
pfff ! ! !
Homme ou femme pour illustrer un nouveau billet de banque…
Igor Stravinsky
Le métier que tu n'aurais pas aimé faire…
Salarié
La plante, l'arbre ou l'animal dans lequel tu aimerais être réincarné…
Un Ptérodactyle
Si dieu existe, qu'aimerais-tu, après ta mort, l'entendre te dire… Vade
a porta inferi !
***
|
D-SIDE No11 /
Juillet - Aout 2002
propos recueillis par Sabine Moreau
1/ Votre dernier album, Noctes Insomnes, est sorti il y a trois ans et demie.
Pourquoi un si long silence ?
C’est vrai que trois ans et
demi c’est très long…mais il faut comprendre que nous ne travaillons pas
que la musique, il y a beaucoup d’autres domaines de Rosa-Crvx qui demandent
un gros travail…Nous avons un atelier de construction de 300m² dans lequel il
y a toujours quelque chose sur le feu… les dernières pièces qui en sont
sorties sont les 8 cloches d’un carillon qui nous accompagne désormais sur
scène… et les décors de notre dernier film aussi, juste avant…
Ceci dit, attention aux pièges : Un
nouvel album ne devrait sortir que quand un groupe a quelque chose de vraiment
important a dire.
Je ne supporte plus ces groupes qui sortent un disque par an! Ils feraient mieux
d’économiser leur énergie en sortant deux fois moins de CDs et en les
rendant un peu plus intéressants. Sur
leur discographie, on dirait qu’ils jouent à éviter les trous devant les
dates !
Ca, c’est la définition du bavardage : parler pour parler et ne rien
dire…Il faut évoluer, se renouveler, oui ! mais pas faire du nouveau a n’importe
quel prix. Et comme Nouveau n’a
jamais voulu dire Mieux, quand on n’a rien de Mieux à dire on se Tait !
Si ce n’est pas mieux, c’est bon pour la Poubelle pas pour un CD ...
La Qualité, pas la Quantité ! (a
bon entendeurs…)
2/ Vous disiez de Noctes Insomnes que son accouchement s’était fait dans
la douleur, au cœur d’une multitude de nuits sans sommeil. Qu’en a-t-il
été de la gestation de In Tenebris ?
Ca a été un peu comme l’heure
d’un bilan, le moment ou l’on rassemble toutes les parties d’un travail
pour le présenter dans sa globalité.
Il y a eu ce film, né de l’éclipse de 1999, qui a demandé des moyens
extraordinaires, en tout cas des moyens que nous n’avions pas et qu’il a
fallu se donner. C’est à force de travail et de patience … Vingt-deux
personnes devant la caméra ça veut dire autant derrière…et puis les
costumes, les chevaux, les lumières ! Dans ce décor naturel des Grottes
de Caumont rien n’était facile à gérer.
Coté musique ça c’est passé par salves. Des périodes intenses de
composition et des arrêts plus ou moins longs pour poursuivre le film. Il a
fallu avoir beaucoup de suite dans les idées. Dans l’ensemble je dirais que c’était
très intense et très épanouissant pour le groupe qui a suivi en parallèle
son chemin de maturité.
3/ In Tenebris semble être encore plus sombre que Proficere et Noctes
Insomnes (d’où son titre ?) mais aussi plus dur musicalement. Etes-vous
d’accord avec cette analyse ?
Oui, "dans les
Ténèbres"… c’est bien le thème de ce disque.
Un peu plus loin dans la recherche … je croyais que c’était la nuit qui
apportait la solution, mais "Noctes Insomnes" ne pouvait pas durer
plus qu’une nuit sans sommeil. Les ténèbres étaient ailleurs et c’est l’éclipse
qui m’a ouvert les yeux. La nuit au milieu du jour ! Les ténèbres
pouvaient apparaître n’importe quand ! Il fallait aller voir.
Le film "Omnes Qvi Descendvnt" (
littéralement "Ceux Qui Descendent") qui accompagne cet album raconte
cette expédition.
Presque tous les thèmes musicaux sont des rythmes de marche.
C’est une horde qui se déplace : ils ont levé le camp, ils sont partis
pour cette Grande Quête un peu comme on part en guerre.
L’album s’ouvre sur " Svrsvm Corda" ("Haut les Cœurs")
avec cette voix qui hurle le rassemblement des troupes. "Qvo Dolore
Volvitvr !" répondent-ils en chœur "Quelle abîme de
douleur !"…En effet, le chemin sera long. Plus
le temps passe plus ils s’enfoncent vers le fond de l’abîme…
"In Tenebris, Ab Incursu, Et Daeminio Meridiano"
"Dans les ténèbres, les attaques du Démon de Midi"
Très vite on franchit le point de non retour… Il faut que ce chemin soit
le bon !
"Lvx In Tenebris Lvcet" "La lumière luira dans les
Ténèbres"
5/ Quel est le line up actuel de Rosa Crux ?
Toujours le même noyau, à
savoir Claude Feeny et Olivier Tarabo, autour de qui viennent se greffer d’autres
musiciens, performers, machinistes, techniciens etc… C’est un peu au hasard
des rencontres que l’équipe évolue. L’année dernière nous avons été
une vingtaine à nous impliquer dans le projet du tournage du film "Omnes
Qvi Descendvnt".
Nous avons rencontré, lors du dernier concert à Cognac, Clément Marchal qui
nous a fait de magnifiques lumières et qui nous accompagnera sur d’autres
scènes. A la Danse de la Terre, une nouvelle équipe plus au point que
jamais : Eléonore Joyet et Nicolas Lelandais.
6/ Votre musique a jusqu’à présent été indissociable de vos
performances scéniques. Pouvez-vous nous parler de la façon dont vos nouveaux
morceaux seront traduits visuellement ?
Dans ce cas précis c’est par
la projection du film.
Nous avons a cette occasion complètement revu et corrigé la diffusion des
images sur scène. Fini les bandes vidéos qui se baladent en régie et qu’il
faut caler sur les premières notes avec dans 99% des cas un décalage de
plusieurs secondes avec la musique jouée sur scène.
La solution était informatique. La synchro est maintenant parfaite et cela nous
a ouvert de nouveaux horizons : on peut faire voyager le public par des
changements de décors, mettre le feu à la scène ou s’éclairer avec des
centaines de bougies par des enchaînements d’images. (le feu étant bien sur
interdit en salle)
7/ Y aura-t-il des nouveaux instruments sur scène ? De nouveaux
films ?
Sur scène, Claude est désormais assise devant un grand piano a queue.
Celui-ci est relié a un sampler ce qui veut dire que les sons peuvent être
choisis avec autant de liberté qu’avec un clavier électronique, mais au
moins on se débarrasse d’un vieux problème d’anachronisme car les sons de
prédilection de Claude sont antiques, on pourrait presque dire baroques :
Grandes Orgues, grands pianos, nappes graves d’orchestre, etc…sortant d’un
synthé ca faisait un peu "cheap"…
Il y a aussi dans beaucoup de nos compositions des sons de carillons. Cela
faisait partie de nos fantasmes… un carillon sur scène ! ! ! c’était
impossible ! et
finalement, on a trouvé une formule magique…
Le carillon est installé dans un échafaudage de 2,80m x 2m et composé
actuellement de huit cloches, de 27 a 66 cm de diamètre, il est joué par un
clavier actionnant directement les battants suivant le principe traditionnel des
carillons d'églises.
Les cloches ont été fondues en respectant point par point les étapes
traditionnelles de fabrication. On a quand même remplacé le bronze par une
autre matière pour ne pas se trimbaler neuf tonnes dans le camion.
Et comme toutes les cloches qui se respectent, elles se devaient d'être
baptisées, alors les noms suivants ont étés gravés sur la panse :
ASTAROTH, BEHEMOTH, BYLETH, CLISTHERET, FURFUR, HABORYM, SAMAEL, SUCCORENOTH,
suivi de l’annonce suivante " TONITRVI FILII SVNT APPELATI" qui
traduit nous donne "On les appellent fils du tonnerre" .
Elles sont signées et datées sur le cerveau : "Rosa+Crvx me fundebat,
anno MMI"
8/ Une de vos spécificités
réside dans l’emploi de la batterie acoustique midi. Est-il vrai que vous l’avez
encore améliorée pour cet album ?
On l’a en quelque sorte
relookée… Elle ressemble encore un peu moins à une batterie conventionnelle
et de plus en plus à une formation de fanfare. On
a mis les Toms à la poubelle pour les remplacer par des Timbales d’orchestre
et les tambours de cuivre sont passés de deux à quatre effectifs. Et
surtout, le son global qui en résulte est beaucoup plus grandiose !
9/ Vous avez dit de votre dernier concert qu’il était le meilleur que vous
ayez jamais fait. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
C’était une grande première
à tous les niveaux : Le carillon d’abord dont c’était le premier
concert, le piano à queue, le nouveau système de diffusion à synchro d’images,
la nouvelle équipe à la Danse de la Terre, des nouveaux films, des titres du
prochain album testés en public, les timbales et les tambours faisaient aussi
leur première sortie… Et aussi toute l’équipe de la salle du West Rock de
Cognac qui était vraiment avec nous ! On s’y est tous mis ensemble pour
que ce soit du beau spectacle et c’était sans bavure. Un beau travail d’équipe
que le public a apprécié. Ca, c’était de l’organisation !
10/ Fabriquez-vous toujours des objets, telle la planche anatomique, en
parallèle au groupe ?
Il y a eu encore de nouveaux
objets fabriqués : ce sont les accessoires du film : cuirasses de
tête pour l’armure des chevaux, plastrons, masques à porte-voix, etc… mais
ceux-là ne seront pas en vente au catalogue…
11/ Autres projets ? Tournée ? Un maxi en vinyle uniquement ?
Il sera dans l’esprit de vos premières œuvres au niveau du design ?
Pas exactement : pour se faire plaisir et pour faire plaisir aux
amoureux du vinyle, en co-production avec le label rouennais UNE, nous accompagnons ce prochain album d’un Maxi 45t Picture avec 2 titres du
CD "In Tenebris". Une version "single" en quelque sorte…
Coté concerts, une tournée est organisée*, elle aura la particularité de
pouvoir être jouée dans toutes sortes de salles, des plus grandes aux plus
petites.
Dors et déjà, un autre tournage est programmé pour augmenter les vidéos de
scène, (une performance autour du feu) et aussi du travail du coté des
instruments : compléter progressivement le carillon de 8 vers 12, puis 16
cloches, pour aller… …encore un peu plus loin "dans les
ténèbres".
***
|