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ELEGY No24 / Octobre 2002
propos recueillis par Alyz Tale 

1 - Tu es loin de te cantonner au domaine musical, ce n’est pas nouveau, l’expérimentation semble couler dans tes veines ! On peut donc se douter que tu n’as pas passé ces quatre dernières années en studio… Que faisais-tu pendant que nous trépignions d’impatience en attendant ce fameux nouvel album ? !

Tellement de choses se sont passées ! On en a eu marre un jour en se regardant en vidéo d’être si peu différents visuellement de tout ce qui existe.
Il n’y avait que notre batteur automate qui nous semblait être un instrument adapté à l’esprit de Rosa Crvx. La BAM ,Batterie Acoustique Midi, est une de nos création : une sorte de boite à rythme qui pilote des baguettes par des systèmes d’électroaimant et les font frapper sur des fûts de batterie. Un peu comme ces instruments mécaniques au centre des vieux Carrousels de foire et qui marchaient avec des cartes perforées…
Donc ça a été une autocritique très sévère… pourquoi ce ridicule synthé si c’est un piano qu’il nous faut ? A queue, le piano pendant qu’on y est… Pourquoi ces ridicules toms à la BAM alors que ce sont des timbales d’orchestre qu’il faudrait ? Musicalement on n’a jamais supporté de faire des compos qui ressemblent à ce qui existe, pourquoi en serait-il autrement du reste… Pourquoi cette caisse claire ? Il faudrait un tambour ! Quatre tambours ! Et ces cloches qui nous passionnent tellement, je verrais bien un carillon là, moi, tiens!

Alors on a mis "les pantalons de cuir au placard" et on s’est trouvé des blouses blanches…
Il y a eu dix mille choses a régler, forcément, des problèmes techniques complexes, un sacré casse tête à résoudre de tous les cotés. Financièrement, de gros travaux de fabrication, (on imagine mal à quel point les prototypes coûtent…) Un concert de temps en temps où nous profitions pour tester des nouveaux systèmes…
L’atelier s’est transformé en fonderie de cloches… on a du commencer par construire un énorme bac à terre en ciment, un tour capable de faire tourner une cloche de 200kg de glaise… puis les énormes moulages … il y a des reportages sur notre site web là dessus…
… Et puis parallèlement, l ‘énorme chantier occasionné par le film " Omnes qui Descendvnt " dont on parle juste après…

 

2 - Rosa Crvx a toujours montré l’homme dans toute sa réalité, toute sa laideur même, en quoi penses-tu aller encore plus loin avec " In Tenebris " ?

In Tenebris va plus loin au sens premier, dans ce sens ou il y a cette fois un déplacement concret : L’album précédent, Noctes Insomnes,  psalmodiait " Exvrge in ira tua ! " qui, traduit, donne : " Lève toi dans ta colère ! " autrement dit "fais le ! "
In Tenebris, c’est cela, une expédition. une descente, " Vadam ad portas inferi ". chaque titre illustre l’état successif dans lequel on est plongé par un tel voyage.
Les étapes se succèdent dans les excitations et les angoisses au début de l’album pour atteindre progressivement l’humilité dans le titre Procvmbere …

Palpebrae meae caligaverunt     Mes paupières s’obscurcissent,
Terra procumbens     La terre se prosterne,
Trepidentes coeli     Les cieux tremblent,
Inclinantes se inferi      L’enfer s’incline…     

…passé ce stade il y aura successivement l’Ovation avec le titre Svrsvm Corda, la Transformation dans Omnes Qvi Descendvnt puis la Gratitude par l’ex-voto avec le titre Salve Crvx.

 

3 - " In Tenebris " contient une plage multimédia, la magnifique vidéo " Omnes Qvi Descendvnt ", peux-tu nous conter l’histoire de ce tournage un peu particulier… ?

Le film illustre a peu près tout l’album, cette descente dans un moment hors du temps, hors de la réalité. Une troupe de marcheurs et de cavaliers qui partent pour une grande célébration…
C’est l’éclipse et les éléments qui se déchaînent., c’est une rencontre impossible, celle du jour et de la nuit, de la vie avec la mort, de l’homme avec les éléments… c’est un hymne. Tout est symbolisé par ces paysages, ces danseurs, ces costumes où les chanteurs ont des porte-voix vissés sur la tête :

" Le ciel est tourmenté par les couleurs fantastiques des nuages, l’éclipse est proche de son point culminant.
Une troupe composée de trois cavaliers et de dix-huit marcheurs arrive à l’horizon.
Ils avancent d’un pas lent et régulier et semblent marcher depuis plusieurs jours déjà.
Ils arrivent de nulle part…
On les découvre progressivement : De leurs tête partent des tuyaux cannelés, sortes de saxophones difformes qui ressemblent à des jeux d’orgues…
D’autres ont des porte-voix enveloppant la tête entière, d’autres des vieux tambours de cuivre en bandoulière… Les cavaliers ouvrent la marche. Ce sont des chanteurs, leurs porte-voix sont plus grands que les autres, leurs chevaux sont décorés de grands drapés.
Est-ce une fanfare ou une chorale ?
Le paysage est celui d’un autre monde, pas de végétation, pas de traces de civilisation, de la roche brute, des parois mouvementées, le décor est lunaire, indéfinissable.
Sommes nous dans le passé ? Dans le futur ? Rien ne permet de le savoir.
La troupe arrive au centre d’un grand canyon et se dispose en cercle autour d’une scène étrange :
Deux personnages à genou.
Ils semblent avoir toujours été là ces personnages, immobiles comme des statues, yeux fermés, tête droite, ils ont la couleur de la roche autour, la poussière qui les a recouvert ?
L’éclipse est maintenant totale.
Six hommes sortent du cercle et soulèvent les personnages. Ils sont levés au dessus des regards et prennent soudain vie.
Ils exécutent une sorte de danse, dans les mêmes gestes, exactement, comme si ils étaient un seul en face d’un miroir.
Premier mouvement : Terre / Cou / Epaule,
Deuxième mouvement : Terre / Nuque / Hanche / Terre,
Troisième mouvement : Terre / Hanche / Hanche / Terre,
Quatrième mouvement : Terre / Tête / Tête / Terre.
Une minute est passée, le Soleil sort du disque lunaire et illumine brusquement le paysage.
Les danseurs s’immobilisent à nouveau. La troupe se reforme pour repartir vers l’inconnu.
Le ciel est redevenu normal.

Ca, c’était le synopsis… la réalité des choses est plus impossible encore ! ! ! Un groupe indépendant en France qui veut réaliser son film c’est en soi une descente aux enfers ! Le tournage de ce film a été une véritable expédition aussi…
Là ou quelqu’un va se dire, bon il faut un steadycam et une luma pour ce tournage, il va falloir trouver un producteur ou une subvention pour louer… nous, on va être obligés d’avoir le réflexe suivant : bon il faut un steadycam et une luma pour ce tournage, il faut vite trouver des plans sur internet et les fabriquer…
Pas le choix ! mais ça change toute la donne : d’un coté on dépend du bon vouloir d’un décideur et de l’autre on sait qu’on aura ce qu’il faut, mais le problème c’est …quand ?
Alors forcément il y a du temps qui passe. On a pris le temps de se fabriquer un steadycam, un rail de travelling, une luma, de récupérer de l’éclairage industriel, de coudre un à un les 22 costumes, même les tambour du film sont fabriqués de toute pièce ! (ils sont maintenant sur notre batterie de scène…) bref ! ça a mis un an et demi au lieu d’un mois avec des moyens de production classiques...
Ceci dit, la différence, c’est sur le prochain tournage qu’elle se sentira : les problèmes matériels sont maintenant résolus, pour ce film comme pour les suivants… C’est en cela qu’être " indépendant " a ses avantages… il arrive un moment ou on peut se permettre de dire à certains : plus besoin de vous !

 

4 - Pourquoi le thème de l’éclipse ? Quelle signification lui donnes-tu dans ce cadre-là ?

Les premières images de " Omnes Qvi Descendvnt " remontent à 1999 lors de l’éclipse du 11 Août. Ca faisait des mois que cette date me rendait dingue. L’éclipse pour moi c’était un vieux rêve de gosse. Je voyais la date s’approcher et je ne trouvais pas quoi en faire. Un film ? une performance ? un concert ? quoi ?… les idées ne venaient pas. Alors je l’ai filmée méthodiquement en me disant que je trouverais bien après. Je vous ai ressorti ce texte que j’ai écrit à ce moment là, il traduit bien l’état dans lequel cette date me mettait :

" On la prévoit à la seconde prés, on connaît le meilleur endroit pour l’observer, on la médiatise…
Il n’y a pas si longtemps, on y voyait la colère des Dieux, la fin du monde, l’Apocalypse…
Retrouvons une dernière fois l'éclipse d "Avant", celle qui nous faisait hurler comme des chiens sauvages, celle où les ténèbres envahissaient la lumière…
… Il n'y a pas que la lune qui passe devant le soleil... ça, on ne le voit pas! Il y a surtout la nuit au milieu du jour, il y a aussi ce violent courant d'air glacial mystérieusement synchronisé, les étoiles qui apparaissent, les chiens qui aboient, les cœurs qui s'accélèrent, les yeux qui pleurent, la foule qui hurle... ...de joie? c'est ce qu'elle pense, non! de peur en réalité. Il y a aussi la prise brutale de conscience: l'impossible vient d'arriver, nous sommes à la merci d’un simple dérèglement...
De tous temps, l'éclipse a représenté un évènement cataclysmique. Nous pouvons aujourd'hui nous vanter d'explications scientifiques, de prévisions parfaites, de simulations informatiques, : le sentiment d'angoisse demeure... Tous ceux qui ont un jour vécu une éclipse totale vous le diront: pendant un bref instant, c'est la fin du monde!
Cette peur est animale, instinctive, ancestrale, culturelle même! n'ayons pas peur des mots, nous sommes prévenus depuis notre tendre enfance: l'éclipse est la plus formidable mise en scène de la nature. "

 

5 - De qui vous êtes-vous entourés, Claude Feeny & toi-même pour travailler sur ce film, et plus généralement, sur l’album ?

Le plus dur, une fois le matériel et les essais au point, était de trouver les lieux et les figurants.
Je connaissais des grottes ou le tournage aurait été plus simple, mais les autorisations à obtenir étaient inimaginables ! ! ! La fédération de spéléologie de qui dépendait l’accord imposait en sine qua non le port du casque de chantier sur la tête!! ! caméraman ou acteur, ils ne voyaient que le règlement ! ! ! bref ! impossible de tourner autre chose qu’une pub pour Manpower… Heureusement, on a fini par trouver une carrière privée ! une simple décharge de responsabilité pour le propriétaire et voilà !
Il y a une petite équipe bien soudée a Rouen sur qui on a toujours pu compter… Philippe Coquin, David & Stéphane Viola, Laurent Horbacio, et aussi une sacrée bande de casse-cou prêts à tout dans un club de plongée : le Club Subaquatique de Rouen (CSR)…
Côté figurants, il y avait aussi sur le tournage des gens que nous ne connaissions pas. Une association gothique de Rouen, Phantasmagoria a eu l’idée de faire une sorte de jeu-annonce sur le net et nous ont trouvé beaucoup de monde. La consigne était : surtout ne viens pas seul…
Il y a bien eu aussi quelques agréables surprises venues de l’extérieur, comme pourra en témoigner les remerciements du générique du film, mais ça ne représentait malheureusement pas des aides indispensables. L’aide d’un organisme régional délégué au cinéma ou à la culture aurait été bien plus efficace. Mais R+C les agace ! ! Trop sombre ! ! !
L’album par contre s’est fait à deux. Avec Claude on avait décidé d’avancer les compos en même temps que le film pour coller le mieux possible aux images. Il n’y a pas eu comme pour les autres albums d’intervenants extérieurs. Avant on utilisait souvent un support extérieur de choristes pour les voix, on appelait parfois aussi un percussionniste pour lui faire jouer les partitions de tambours. Mais le matériel d’enregistrement a beaucoup évolué et je préfère maintenant enregistrer les percus tout seul. Claude travaille sur les mélodies de fond et tout ce qui est claviers. Je m’occupe volontiers des chants au dernier instant, quand le titre "sonne" suffisamment bien tout seul, puis on enregistre, on modifie, on recompose des parties pour les arrangements… depuis le premier disque de R+C on a toujours composé les titres exclusivement à deux, et on ne sait travailler que comme ça…

 

6 - La Danse de la Terre revient dans le film, forcément, quelle a été l’évolution de cette danse depuis sa genèse exactement ? Son concept est-il resté le même ?

La danse revient toujours dans nos concerts. On adore la faire et même les gens qui l’ont vue plusieurs fois ne s’en lassent pas. Les danseurs, Eleonore Joyet et Nicolas Lelandais, la travaille avec beaucoup de patience car elle n’est constituée que de difficultés techniques ! sur scène le public l’oublie et tant mieux ! mais pour être synchro dans les moindres gestes il faut des heures de travail, un contrôle vidéo image par image pendant les répétitions pour corriger par exemple un coude plus haut chez l’un que chez l’autre…
Cette danse n’avait pas fait l’objet d’un clip et s’agissant d’une des particularités de Rosa Crvx, on s’est fait un devoir d’y remédier.
Et il y avait une analogie trop parfaite avec l’éclipse ! La danse (un couple) représente la confrontation de la vie consciente (donc l’homme) avec la mort.. le propos est le vieil adage : " poussière tu es et redeviendras… "
Dans le film les paroles disent " Non mortvi, sed data somni " " Non, pas morts, mais endormis " et les danseurs immobiles, recouverts d’argile se mettent en mouvement synchronisé au moment de l’éclipse totale, dans un cercle de feu représentant à la fois la couronne solaire de l’éclipse et le cercle magique du rituel kabbalistique.
Cette danse n’a pas bougé depuis sa création si ce n’est qu’à l’origine j’avais demandé à un modèle de s’enduire de boue sans lui donner la moindre indication. Je filmais en vidéo et je guettais les moments de naturel.
Mon idée était de réveiller un vieil instinct ou quelque chose comme ça. J’enviais trop les éléphants qui se roulent dans les flaques et les peaux rouges qui s’en recouvraient la peau. Il me semblait que c’était un geste définitivement perdu. Même les chiens adorent se rouler dans une bonne vielle mare bien sale…
Mes obsessions restent aujourd’hui les mêmes qu’à l’époque de la création de la Danse de la Terre : connaît-t-on le Cri de l’Homme comme on connaît celui du loup ? Non ? Et comment peut-on aller sur la lune si on ne sait même pas ça ?? Je recherche souvent ce cri dans mes chants.

 

7 - Tu es toujours à la recherche de lieux insolites dans lesquels tu puisses réaliser tes performances, tu as dû parcourir tous les endroits les plus bizarres de France & de Navarre !
Quelle est ta dernière " trouvaille " en la matière ? & le lieu qui te fait rêver mais auquel tu n’as pas (encore !) accès ?

On s’en doute, les lieux insolites sont des perles rares jalousement gardés par ceux qui les connaissent. Je crois pouvoir dire que j’ai fait le tour de ceux de ma région… mais je ne connais malheureusement pas tant d’endroits que ça ! c’est toujours par bouche à oreille qu’on tombe la dessus , et il faut vivre sur place pour finir par savoir.
Après, il faut encore que l’endroit puisse être utilisé pour une performance ce qui est rarement le cas !
Si un endroit me fait rêver depuis longtemps, ce sont les Carrières de Meudon.
J’ai été emmené la bas une nuit par des entrées cachées le long de rails de trains… je sais qu’il y a des entrées moins dangereuses mais il fallait faire discret. Le rêve c’est un concert de R+C là dedans. Sûrement le plus bel endroit dont on puisse rêver… Je me souviens de voûtes taillées dans la craie aussi hautes que celles d’une cathédrale… Il y aurait paraît-il une association à Meudon qui protège ces carrières ? (avis de recherche)
Un autre lieu qui n’a rien d’insolite mais qui m’est tout aussi inaccessible ce sont les Halles de la Villette. C’est je crois l’endroit idéal pour présenter les " Jeux de Fers " à Paris. (voir le site web pour " Jeux de Fers ")
J’aimerais bien aussi un jour visiter des catacombes de Paris… (pas les payantes…)

 

8 - En 1986, tu projetais un homme vif & nu enfermé dans une cage contre un gigantesque gong.
Cette performance, " Jeux de Fers ", avait lieu à l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen, un lieu idéal…
Penses-tu qu’aujourd’hui, alors que les pétitions contre les clôtures d’associations & autres lieux artistiques pullulent, il soit encore possible de jouir de tels lieux pour de telles performances ?

Les problèmes ne sont pas nouveaux ! la seule différence c’est qu’aujourd’hui l’info circule plus vite grâce au net. Alors on sait ce qui se passe dans tous les coins…
En 1986 j’avais risqué gros pour cette performance. J’ai eu l’interdiction formelle du directeur des beaux arts qui m’a menacé en face d’expulsion si je mettais mon installation en marche… un homme nu dans une église ! !
…et dans une cage d’acier suspendue et projetée a 9 mètres du sol… même sans les problèmes de censure, il y aurait eu les problèmes de sécurité…
C’était plus simple de voler les clef et de revenir une nuit avec un public informé clandestinement. Il l’a appris dans le journal du surlendemain, le directeur ! ! et moi j’étais parti la veille pour 6 mois en Angleterre (un échange scolaire). Ca tombait bien ? non, c’était calculé. je n’aurais pas pu me permettre d’organiser ça autrement.

C’est toujours la même lutte qui est menée.
Il y aura toujours un responsable de Mairie, de quartier, un journaliste parfois, pour tuer dans l’œuf les projets qui sont un peu trop originaux. Ce qui est différent fait très peur ! Le mouvement underground en France s’est noyé dans sa mare. Quand je pense à ce qu’il a été à une époque ! ! !
Du jour au lendemain la presse a sorti LE titre réducteur " Gothique " et n’en déplaise à beaucoup, c’est à ce moment là que tout a chuté.
Ils ont enfin réussi à mettre une étiquette, réductrice, ridicule, à ce qui était un véritable affront au système dans sa globalité. Un mouvement indépendant qui avait son propre réseau d’information, ses propres réseaux de distribution et de salles de concert. Un mouvement qui grouillait, et que l’on ne savait même pas comment appeler ! Le summum du contre-courant !
A Rouen, pour vous parler de ce que je vois tous les jours il n’y a plus qu’une petite poignée de gens qui s’habillent en noir alors que cette ville a été un véritable point chaud… Paris s’est plus ou moins bien protégé semble t’il…
Et pourtant pas plus loin qu’ici je connais deux organisations qui se tirent un peu trop dans les pattes alors qu’en se concertant et en unissant leurs efforts elles auraient le pouvoir d’unir et de ressusciter beaucoup de choses. c’est la première fois qu’un tel pouvoir de presse existe et il nous faudrait un grand Festival en France comme celui de Leipzig, et qui d’autre aurait le pouvoir de le démarrer ? Il nous faudrait une émission télé régulière sur une grande chaîne, Arte serait utile pour ouvrir les liens avec les Allemands, via Orkus…
Ne nous trompons pas d’ennemis, c’est contre l’extérieur qu’il faut agir. Pour revenir à mes expériences concrètes et pour reparler par exemple de notre film, j’ai fini par comprendre que les moyens de production sont toujours réservés à la bonne vieille Dobe… c’est volontaire ! il n’y a que les horreurs diffusées sur M6 qui disposeront de budgets colossaux pour un vidéo-clip… Alors imaginez ! ! un groupe indépendant ! ! !, auto produit ! ! ! même les institutions locales n’ont pas daigné lever le petit doigt. La réalité est la même partout : si ce n’est pas Dans le Moule on sabote. Je suis persuadé qu’il existe une "censure de genre". Et que ce Genre là, un peu trop noir, est le premier sur la liste, noire elle aussi, justement ! …

 

9 - Quel regard portes-tu sur l’évolution & la vie de Rosa Crux à ce jour ?
Changerais-tu quelque chose si tu le pouvais ? & comment vois-tu son futur ?

Je pense que le groupe se tournera de plus en plus vers l’Allemagne… Noctes Insomnes s’est plus vendu là-bas qu’en France et In Tenebris y est déjà distribué.
Un souhait ? Trouver enfin un distributeur sérieux pour la France. Depuis que le distributeur Sémantic a coulé nous sommes devenus des fantômes dans les bacs. On trouve du R+C en Allemagne, en Belgique en Suisse, en Italie mais pas en France ! ! ! ! (à Paris, oui, mais pas en France)
Un autre souhait ? Si je pouvais, je changerais ça : tout le système de distribution et de vente de disques en France qui a été écrabouillé par les Fnacs qui se permettent aujourd’hui (après avoir assassiné les petites disquaires) de dire Oui ou Non aux musiciens qui vivent de leur musique. Les Fnacs devraient s’inventer une conscience, comprendre le mal qu’elles ont fait à la musique, le bien qu’elles ont fait à la Grosse Dobe et s’obliger de créer des rayons permanents ET pour les groupes locaux ET pour les indépendants ( je parle des Indépendants, pas des " indépendants qui dépendent d’une maison de disque ", des IN-DE-PEN-DANTS )

 

10 – Vous avez récemment donné un concert mémorable à Cognac, vous vous apprêtez à investir la Locomotive sous peu, quelles seront les prochaines salles françaises, et quelle forme prend Rosa Crvx sur scène en 2002 ?

Il faut dire que le CD In Tenebris était à peine achevé que se sont enchaînés les préparatifs pour le concert de la Loco. Il y a des dates qui se négocient à Nantes, Rennes, Rouen, Bordeaux, mais je ne peux encore rien annoncer officiellement. L’organisateur du concert de Cognac, Clément Marchal, a eu envie de nous faire tourner un peu et il y travaille en ce moment.
Il y a aussi une petite équipe qui nous prépare un concert sur Paris dans une petite salle. La Loco est un endroit parfait pour du Grand Concert, mais on a envie aussi de jouer dans des salles plus intimes, sur plusieurs soirs, 250 personnes maxi… c’est une ambiance très différente.

 

11 - On vous a aussi vu en Italie, en Irlande, en Espagne, en Suisse, en France bien sûr…
Alors, " In Tenebris " sera-t-il accompagné d’une tournée européenne ?

Une tournée, non. plutôt des dates réparties sur l’année.
Je peux donner la date du Samedi 1er Mars 2003 à Gent, Belgique au Wave-Gothic-Electro-Meeting, et annoncer une promesse reçue par email pour le prochain festival de Leipzig.
On nous demande à Florence mais il y a des problèmes de budgets a résoudre avec les Italiens…
Rosa-Crvx n’a jamais vraiment eu de tourneur. Quand je vous dit qu’on est un " Groupe Indépendant ", il faut presque traduire qu’on est un " Groupe Seul ", ce sont des gens qui se disent un jour " et pourquoi je n’essayerais pas de les faire jouer chez moi?" C’est le cas de Cognac par exemple… Ca c’est toujours passé comme ca. De notre coté on ne cherche plus le concert à tout prix, mais on ne refusera jamais une date. On adore les planches.
Il faut dire qu’on a, à une époque envoyé tellement de dossiers de presse pour rien, que depuis l’ouverture du site web, on se contente de répondre aux demandes. De toute façon, aucun concert de Rosa Crvx ne s’est fait à la suite d’un dossier envoyé ! Ca a toujours été le coup de cœur d’un organisateur. Et c’est vraiment mieux comme ça ! On joue peu, mais les salles sont pleines et le public sait ce qu’il vient voir. Ca reste du concert pour initiés.

 

12 - Vos projets immédiats ?

Un nouveau film est en repérage. Moins compliqué que le précédent heureusement ! des scènes de dessins de feu…
Sinon je me demande de plus en plus si la prochaine production ne sera pas un DVD, avec une partie vidéo-clips et une partie Live. Le groupe a suffisamment d’images pour le remplir. Et puis…ce format est vraiment bien adapté a notre travail.
Des concerts aussi, on a travaillé tout ce temps pour se montrer sous une nouvelle robe et on voudrait que ce soit vu.

 

Questionnaire de Pivot
Ton mot préféré… Let’s go !
Le mot que tu détestes… sac en plastique
Ta drogue favorite… Lipton Yellow
Le son, le bruit que tu aimes… Une locomotive a vapeur
Le son, le bruit que tu détestes… le Rap
Ton juron, gros mot ou blasphème favori… pfff ! ! !
Homme ou femme pour illustrer un nouveau billet de banque… Igor Stravinsky
Le métier que tu n'aurais pas aimé faire… Salarié
La plante, l'arbre ou l'animal dans lequel tu aimerais être réincarné… Un Ptérodactyle
Si dieu existe, qu'aimerais-tu, après ta mort, l'entendre te dire… Vade a porta inferi !

 

***


D-SIDE No11 / Juillet - Aout 2002
propos recueillis par Sabine Moreau 

1/ Votre dernier album, Noctes Insomnes, est sorti il y a trois ans et demie. Pourquoi un si long silence ?
C’est vrai que trois ans et demi c’est très long…mais il faut comprendre que nous ne travaillons pas que la musique, il y a beaucoup d’autres domaines de Rosa-Crvx qui demandent un gros travail…Nous avons un atelier de construction de 300m² dans lequel il y a toujours quelque chose sur le feu… les dernières pièces qui en sont sorties sont les 8 cloches d’un carillon qui nous accompagne désormais sur scène… et les décors de notre dernier film aussi, juste avant…

Ceci dit, attention aux pièges : Un nouvel album ne devrait sortir que quand un groupe a quelque chose de vraiment important a dire.
Je ne supporte plus ces groupes qui sortent un disque par an! Ils feraient mieux d’économiser leur énergie en sortant deux fois moins de CDs et en les rendant un peu plus intéressants.
Sur leur discographie, on dirait qu’ils jouent à éviter les trous devant les dates !

Ca, c’est la définition du bavardage : parler pour parler et ne rien dire…Il faut évoluer, se renouveler, oui ! mais pas faire du nouveau a n’importe quel prix. Et comme Nouveau n’a jamais voulu dire Mieux, quand on n’a rien de Mieux à dire on se Tait ! Si ce n’est pas mieux, c’est bon pour la Poubelle pas pour un CD ... La Qualité, pas la Quantité ! (a bon entendeurs…)

 

2/ Vous disiez de Noctes Insomnes que son accouchement s’était fait dans la douleur, au cœur d’une multitude de nuits sans sommeil. Qu’en a-t-il été de la gestation de In Tenebris ?
Ca a été un peu comme l’heure d’un bilan, le moment ou l’on rassemble toutes les parties d’un travail pour le présenter dans sa globalité.
Il y a eu ce film, né de l’éclipse de 1999, qui a demandé des moyens extraordinaires, en tout cas des moyens que nous n’avions pas et qu’il a fallu se donner. C’est à force de travail et de patience … Vingt-deux personnes devant la caméra ça veut dire autant derrière…et puis les costumes, les chevaux, les lumières ! Dans ce décor naturel des Grottes de Caumont rien n’était facile à gérer.
Coté musique ça c’est passé par salves. Des périodes intenses de composition et des arrêts plus ou moins longs pour poursuivre le film. Il a fallu avoir beaucoup de suite dans les idées. Dans l’ensemble je dirais que c’était très intense et très épanouissant pour le groupe qui a suivi en parallèle son chemin de maturité.

 

3/ In Tenebris semble être encore plus sombre que Proficere et Noctes Insomnes (d’où son titre ?) mais aussi plus dur musicalement. Etes-vous d’accord avec cette analyse ?
Oui, "dans les Ténèbres"… c’est bien le thème de ce disque.
Un peu plus loin dans la recherche … je croyais que c’était la nuit qui apportait la solution, mais "Noctes Insomnes" ne pouvait pas durer plus qu’une nuit sans sommeil. Les ténèbres étaient ailleurs et c’est l’éclipse qui m’a ouvert les yeux. La nuit au milieu du jour ! Les ténèbres pouvaient apparaître n’importe quand ! Il fallait aller voir.
Le film "Omnes Qvi Descendvnt" ( littéralement "Ceux Qui Descendent") qui accompagne cet album raconte cette expédition.

Presque tous les thèmes musicaux sont des rythmes de marche.
C’est une horde qui se déplace : ils ont levé le camp, ils sont partis pour cette Grande Quête un peu comme on part en guerre.
L’album s’ouvre sur " Svrsvm Corda" ("Haut les Cœurs") avec cette voix qui hurle le rassemblement des troupes. "Qvo Dolore Volvitvr !" répondent-ils en chœur "Quelle abîme de douleur !"…En effet, le chemin sera long. Plus le temps passe plus ils s’enfoncent vers le fond de l’abîme…

"In Tenebris, Ab Incursu, Et Daeminio Meridiano"
"Dans les ténèbres, les attaques du Démon de Midi"

Très vite on franchit le point de non retour… Il faut que ce chemin soit le bon !
"Lvx In Tenebris Lvcet" "La lumière luira dans les Ténèbres"

5/ Quel est le line up actuel de Rosa Crux ?
Toujours le même noyau, à savoir Claude Feeny et Olivier Tarabo, autour de qui viennent se greffer d’autres musiciens, performers, machinistes, techniciens etc… C’est un peu au hasard des rencontres que l’équipe évolue. L’année dernière nous avons été une vingtaine à nous impliquer dans le projet du tournage du film "Omnes Qvi Descendvnt".
Nous avons rencontré, lors du dernier concert à Cognac, Clément Marchal qui nous a fait de magnifiques lumières et qui nous accompagnera sur d’autres scènes. A la Danse de la Terre, une nouvelle équipe plus au point que jamais : Eléonore Joyet et Nicolas Lelandais.

 

6/ Votre musique a jusqu’à présent été indissociable de vos performances scéniques. Pouvez-vous nous parler de la façon dont vos nouveaux morceaux seront traduits visuellement ?
Dans ce cas précis c’est par la projection du film.
Nous avons a cette occasion complètement revu et corrigé la diffusion des images sur scène. Fini les bandes vidéos qui se baladent en régie et qu’il faut caler sur les premières notes avec dans 99% des cas un décalage de plusieurs secondes avec la musique jouée sur scène.
La solution était informatique. La synchro est maintenant parfaite et cela nous a ouvert de nouveaux horizons : on peut faire voyager le public par des changements de décors, mettre le feu à la scène ou s’éclairer avec des centaines de bougies par des enchaînements d’images. (le feu étant bien sur interdit en salle)

 

7/ Y aura-t-il des nouveaux instruments sur scène ? De nouveaux films ?
Sur scène, Claude est désormais assise devant un grand piano a queue. Celui-ci est relié a un sampler ce qui veut dire que les sons peuvent être choisis avec autant de liberté qu’avec un clavier électronique, mais au moins on se débarrasse d’un vieux problème d’anachronisme car les sons de prédilection de Claude sont antiques, on pourrait presque dire baroques : Grandes Orgues, grands pianos, nappes graves d’orchestre, etc…sortant d’un synthé ca faisait un peu "cheap"…
Il y a aussi dans beaucoup de nos compositions des sons de carillons. Cela faisait partie de nos fantasmes… un carillon sur scène ! ! ! c’était impossible !
et finalement, on a trouvé une formule magique…

Le carillon est installé dans un échafaudage de 2,80m x 2m et composé actuellement de huit cloches, de 27 a 66 cm de diamètre, il est joué par un clavier actionnant directement les battants suivant le principe traditionnel des carillons d'églises.
Les cloches ont été fondues en respectant point par point les étapes traditionnelles de fabrication. On a quand même remplacé le bronze par une autre matière pour ne pas se trimbaler neuf tonnes dans le camion.

Et comme toutes les cloches qui se respectent, elles se devaient d'être baptisées, alors les noms suivants ont étés gravés sur la panse : ASTAROTH, BEHEMOTH, BYLETH, CLISTHERET, FURFUR, HABORYM, SAMAEL, SUCCORENOTH, suivi de l’annonce suivante " TONITRVI FILII SVNT APPELATI" qui traduit nous donne "On les appellent fils du tonnerre" .
Elles sont signées et datées sur le cerveau : "Rosa+Crvx me fundebat, anno MMI"

 

8/ Une de vos spécificités réside dans l’emploi de la batterie acoustique midi. Est-il vrai que vous l’avez encore améliorée pour cet album ?
On l’a en quelque sorte relookée… Elle ressemble encore un peu moins à une batterie conventionnelle et de plus en plus à une formation de fanfare. On a mis les Toms à la poubelle pour les remplacer par des Timbales d’orchestre et les tambours de cuivre sont passés de deux à quatre effectifs. Et surtout, le son global qui en résulte est beaucoup plus grandiose !

 

9/ Vous avez dit de votre dernier concert qu’il était le meilleur que vous ayez jamais fait. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
C’était une grande première à tous les niveaux : Le carillon d’abord dont c’était le premier concert, le piano à queue, le nouveau système de diffusion à synchro d’images, la nouvelle équipe à la Danse de la Terre, des nouveaux films, des titres du prochain album testés en public, les timbales et les tambours faisaient aussi leur première sortie… Et aussi toute l’équipe de la salle du West Rock de Cognac qui était vraiment avec nous ! On s’y est tous mis ensemble pour que ce soit du beau spectacle et c’était sans bavure. Un beau travail d’équipe que le public a apprécié. Ca, c’était de l’organisation !

 

10/ Fabriquez-vous toujours des objets, telle la planche anatomique, en parallèle au groupe ?
Il y a eu encore de nouveaux objets fabriqués : ce sont les accessoires du film : cuirasses de tête pour l’armure des chevaux, plastrons, masques à porte-voix, etc… mais ceux-là ne seront pas en vente au catalogue…

 

11/ Autres projets ? Tournée ? Un maxi en vinyle uniquement ? Il sera dans l’esprit de vos premières œuvres au niveau du design ?
Pas exactement : pour se faire plaisir et pour faire plaisir aux amoureux du vinyle, en co-production avec le label rouennais UNE, nous accompagnons ce prochain album d’un Maxi 45t Picture avec 2 titres du CD "In Tenebris". Une version "single" en quelque sorte…
Coté concerts, une tournée est organisée*, elle aura la particularité de pouvoir être jouée dans toutes sortes de salles, des plus grandes aux plus petites.
 
Dors et déjà, un autre tournage est programmé pour augmenter les vidéos de scène, (une performance autour du feu) et aussi du travail du coté des instruments : compléter progressivement le carillon de 8 vers 12, puis 16 cloches, pour aller… …encore un peu plus loin "dans les ténèbres".

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INTERVIEW "CYNNFEIRD" 1996
propos recueillis par Alexandre Louis

1/ Quels sont vos projets discographiques proches? Qu’en est il de votre projet de neuf 45 tours et quels sont la forme et les buts poursuivis dans ce livre coffret?
Nous préparons beaucoup de choses. Le prochain C.D. est déjà composé, nous devrions commencer l’enregistrement sous peu. Il y a aussi un projet de CD-ROM qui voit le jour, mais étant donné l’énormité du travail, je préfère en reparler un peu plus tard...
Quand aux 45 tours, il s’agit d’un problème difficile lié aux moyens de l’auto-production... Le vinyle se vends au compte goutte et un 45t. représente aujourd’hui des risques financiers importants... Nous attendons la sortie de plusieurs C.D. pour mieux installer le groupe avant de poursuivre ce projet. D’ici là, le vinyle sera encore plus difficile à vendre, on verra bien!

 

2/Lors de votre prochain passage à la Loco quel va être le spectacle proposé au public parisien, quelque chose de proche de celui de la chapelle Ste Croix des Pelletiers, ou quelque chose de nouveau ou plus adapté à la modernité de la salle?
Nous présenterons exactement le même concert avec pas mal de nuances. Nous essayons à chaque fois d’asservir le lieu à nos ambiances plutôt que de s’adapter aux murs environnants... En somme nous allons essayer de retirer à la Loco son coté "boite" et de la rendre la plus sauvage possible. De plus s’agissant de la fête d’Halloween, nous préparons plusieurs choses qui restent des surprises. (sous toutes réserves suivant les possibilités techniques)

 

3/ A propos de la BAM, pourquoi cet équipement plutôt que d’ordinaires percussionnistes, et ne vous sentez-vous pas limités dans vos concerts par le cadre stricte de l’ordinateur vous interdisant tous débordements spontanés?
L’avantage de l’ordinateur c’est qu’il répond stupidement et strictement aux ordres.
Les rythmes tiennent une place très importante dans nos compositions. Nous avons essayé de travailler avec des batteurs, des percussionnistes, et leur réactions étaient toujours les mêmes: ils amenaient une touche personnelle même légère aux partitions, de petits détails qui nous faisaient sauter au plafond... Rosa Crvx est une sorte d’identité musicale complète qui ne supporte pas les avis de caractères extérieurs. N’ayant pas encore trouvé de percussionnistes "obéissant" - dans le sens ou il se tiendrait à l’exacte interprétation d’une partition - nous avons longtemps préféré les séquenceurs. La BAM est une sorte de boite à rythme très perfectionnée.
Quand aux débordements spontanés sur scène, il s’agit d’un concept très rock’n’roll auquel nous ne voyons aucun intérêt.

 

4/ Quelles sont les influences musicales et littéraires des différents membres du groupe, et comment se manifestent-elles dans les compositions de Rosa Crvx ?
Les compositions de Rosa Crvx suivent une direction opposée aux principes de l’influence. Au départ il y a un concept va se générer de lui-même au fur et à mesure qu’il se développe. Une sorte de croissance naturelle. Nous avons commencé ce groupe avec un désir de pureté total dans nos recherches au point que nous ne possédons pas de disques, n’écoutons pas de musique pour éviter l’air polluant ambiant.
Nous avons tous les trois les mêmes intérêts des choses et c’est pour cela que nous avons une si grande complicité dans le travail.
Pour ma part j’ai une allergie très rapide par rapport à ce que j’écoute. Je ne peux m’empêcher de rechercher les motivations profondes du compositeur, et cela limite très étroitement mes possibilités d’appréciations.
Mes influences littéraires suivent dans le même sens: je ne peux pas lire un roman ou une fiction sans avoir l’impression terrible de perdre mon temps. Mes lectures se spécialisent dans la philosophie, la psychanalyse, la poésie, ou les ouvrages scientifiques. La part du rêve chez l’homme ne m’intéresse absolument pas sauf lorsequ’il s’agit de l’analyser.
C’est exactement ce qui se passe dans la façon de travailler de Rosa Crvx, les mots ont étés supprimés pour laisser place aux symboles et au langage direct de l’émotion. Nous chantons avec "le son de la voix".

 

5/ La vidéo tient un rôle important dans vos performances, comptez-vous faire partager au public ces moments magiques par la parution d’un live en vidéo?
Nous avons toujours mené de front les deux cotés du travail de Rosa Crvx à savoir l’image et le son comme deux choses indissociables.
Nos musiques évoquent des idées précises, des thèmes particuliers qui ne se racontent pas avec des mots, c’est pourquoi le texte (au sens message) est absent. Nous retranscrivons des émotions. La musique peut faire renaître une émotion, une image aussi...

Nous employons son et image comme certains emploieraient paroles et musique.
La parole est un moyen de traduire une émotion, la preuve est que l’on peut retraduire les mots, leur trouver des synonymes ou dire les mêmes choses de différentes manières. La musique ne se traduit pas, ne se raconte pas, de même qu’il est impossible de raconter un rêve... Son et image me semblent beaucoup plus directs.
Serait-il intéressant de produire une vidéo de Rosa Crvx en live? Nous avons des doutes sur le rendu. Il me semble que ce support est très pauvre dans le sens ou il donne une vision très étroite des choses. La vidéo retire énormément de la puissance du concert. Nous avons souvent évoqué l’idée de réaliser un film sur notre travail, mais à la façon d’un documentaire qui inclurait des passages de concerts comme complément d’une démarche plutôt que comme finalité. Cela dit, nous essayons de filmer le plus souvent possible nos concerts de façon à avoir les documents pour ce projet futur.

 

6/ Votre point de vue par apport aux technologies modernes, la raison pour laquelle vous avez créé un site Internet "Rosa Crvx" et votre opinion par apport à la réglementation du web?
Nous avons réalisé en juillet la création d’un site sur Internet. Ce qui nous à énormément séduit c’est l’idée de pouvoir être consultés en permanence partout dans le monde, de pouvoir annoncer nos dates de concert, la parution de nos disques, de présenter notre travail...
Il ne faut surtout pas perdre de vue les problèmes que rencontre un groupe qui à choisi l’auto-production. Pour pouvoir exister nous devons être complètement autonomes d’un point de vue financier. Nous devons assurer un travail énorme de diffusion pour réussir à faire vivre nos projets qui nécessitent des moyens financiers extrêmement importants. C’est pourquoi nous encourageons le public à la vente par correspondance. Celui qui apprécie Rosa Crvx devrait avoir aussi envie de l’aider.

Un disque acheté en magasin rapporte 33% au disquaire, 33% au distributeur et enfin 33% au producteur (c’est à dire nous) qui, une fois déduit le prix de fabrication du disque, ne gagne finalement presque rien étant donné qu’il rembourse les emprunts divers... Bref! nous gagnons environ 3 francs pour disque vendu en fnac.
Par contre un achat direct au groupe rapporte 100% de la vente. Cela permet de le proposer au meilleur prix, de se rembourser plus rapidement le coût de fabrication du C.D. et de pouvoir sortir de nouvelles productions sans attendre 3 ans!!! Le tout est de savoir si on achète un disque simplement par désir de le posséder ou si il s’agit de soutenir le groupe par la même occasion. Evidemment ce problème ne se pose pas pour des pressages à 500 000 exemplaires!!! Le public doit se réveiller et comprendre ce que "auto-produit" veut dire!
Nous avons voulu par le biais d’Internet décrocher des dates de concerts dans d’autres pays sans attendre, comme cela fut toujours le cas, la circonstance hasardeuse qui fait la rencontre avec un organisateur. En fait il s’agit surtout d’un dossier complet mis à disposition des professionnels.
Quand aux réglementations qui veulent s’imposer sur le web, je pense qu’il s’agit d’un désir de l’Etat de vouloir tout contrôler. Ce qui est trop libre fait peur !!! Le web doit rester ce terrain de liberté totale d’expression sinon il n’a plus de raisons d’être. Meme si certaines horreurs existent sur le net, il faut réfléchir à ce que libre veut dire. La liberté disparaît aussitôt qu’elle est touchée...

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INTERVIEW "FEAR DROP" 1996
propos recueillis par Laurent Boyer

Les diverses préoccupations de Rosa-Crvx se traduisent dans une "présentation" qui va paraître sous la forme d’un disque, d’un film d’un spectacle... après tout peut importe le moyen de communication. L’image et le son n’étant que la traductions figée d’un sentiment.

Nous travaillons les matières afin de leur donner une couleur, un ton (la musique n’étant que l’organisation de matières sonores) nous poursuivons notre recherche le plus loin possible des limites fixées par ce que doit être un produit. Prenant la liberté de symboliser l’élément Feu en en gravant l’odeur sur le support du disque. Et c’est pour cette raison que l’autoproduction s’impose. Impossible d’entendre un individu quel qu’il soit donner des directives sur le moindre détail qui touche aux résultats, ceux-ci étant déjà la traduction d’un instant, comment supporter une re-digestion imposée par un producteur invoquant ses contraintes financières? Il vaut mieux à notre sens reporter un projet plutôt que de le voir naître dans la constipation... La "Carte Blanche" ou l’autoproduction s’est une question de survie...

La "Carte Blanche"... ce fut le cas pour le mini-CD avec Sordide Sentimental.

Quand au projet "Proficere" les moyens de production du même label malheureusement trop limités nous obligeaient à un certain nombre de concessions frustrantes. Nous avons tranché pour l’autre solution avec amertume. Rosa Crvx et Sordide Sentimental représentant les mêmes passions, dévoilées jusque dans leurs noms...

Si Rosa Crvx n’a aucune "relation" avec les nombreux mouvements rosicruciens existant, il n’en demeure pas moins une certaine relation pour les symboles compris dans ce nom. Nous l’avons traduit en latin pour le démarquer de ces mouvements et le rattacher à une autre époque, celle du XIIIeme siècle où un hermite qui se donna le pseudonyme de Rosenkreicht consacra sa vie à la recherche du corps et de ses limites...

Rosa, la beauté, la vie, l’éphémère, symbole d’amour et de pureté; Crvx, le sacrifice, la mort exposée (en spectacle) la cruauté et l’intolérance... Pascal citait "les grandeurs et les bassesses le l’homme que l’on découvre à mesure que l’on a de lumières."

Nous n’avons jamais changé de nom... Il est arrivé que certaines personnes influencées par les titres à scandale de la presse fassent des confusions se traduisant par des réactions épidermique à tout ce qui peut prêter à confusion sur le sujet sectes... Ce fut le cas pour le producteur d’une émission de tele à grand public . Nous nous sommes présentés ce jour là sous un diminutif latin qui se traduisait par "les Rosa".
Il y a plusieurs façons de remédier à la connerie...

Enfin pour répondre à la dernière question, les anciennes compositions reprises sur ce nouvel album ne pouvaient pas êtres dissociées des autres inédites car ces titres marquent une progression chronologique. Pour nous, cet album représente un stade d’évolution et il nous a paru juste de le graver de façon intègre. Cette évolution prends suite dans l’album suivant dont nous travaillons l’enregistrement.

Olivier Tarabo 1996, en réponse aux questions suivantes:

1- Vous dites ne pas avoir de rapports avec les Rose-croix, on m’a pourtant dit que le produit dont vous enduisez certaines de vos pochettes rappelle l’odeur qui règne dans les loges rosicruciennes...
C’est la première fois que j’entends une telle rumeur!!!
Les rosicruciens n’existent plus depuis 1920 et n’ont jamais étés organisés en loges à la différence des Francs-maçons.
Tout les mouvements qui se prétendent rosicruciens aujourd’hui n’ont aucun lien de descendance avec ce que fut cet ordre: ce sont des groupements divers, plus de 700 différents dénombrés à ce jour, qui tentent de s’imposer comme les "descendants officiels" par mythomanie pure. Ils sont en contradiction flagrante avec ce que fut cet ordre car "quiconque se prétends rosicrucien ne l’est pas par le fait même".
D’autre part, les réunions rosicruciennes avaient un caractère de réunion d’études et de lectures aboutissant à des discussions théologiques. Aucune place pour de quelconque rituels pouvant nécessiter des odeurs spéciales (la confusion vient du crétinisme suivant: Templiers / Francs-maçons / Sciences occultes / Magie noire / Rituels sataniques / Sacrifices humain!!!
Logique! ça sentait forcément le brûlé chez ses gens bizarres!!!

2- L’auto-production est une constante chez vous ( si l’on exempté le disque chez Sordide Sentimental). Pourquoi cette défiance vis à vis des labels ?

3- Ce nouveau disque devait d’ailleurs à l’origine, sortir chez S.Sentimental. Pourquoi cette nouvelle collaboration n’a-t-elle pas eu lieu ?

4- Vous avez pendant une courte période changé de nom. Pourriez-vous nous en expliquer les raisons et les circonstances...

5- Vous avez repris beaucoup d’anciens morceaux sur ce nouvel album. Est-ce pour les faire connaître à un public qu’il n’est plus évident de toucher avec du vinyle, mais aussi un public plus jeune?